10 mars 2014

Un panda en guise de chaise

Anarchopanda durant le Printemps érable. (Photo : Jeremie Battaglia)
Nous apprenions dimanche soir que la mascotte du Printemps érable et l'ambassadeur de la gratuité scolaire, Anarchopanda, briguera un siège à l'Assemblée nationale en se présentant dans la circonscription d'Hochelaga-Maisonneuve à l'élection du printemps 2014, au Québec.

Enfin, briguera un siège, c'est vite dit. Malheureusement, les chances de voir un panda au Salon bleu sont très, très minces. Anarchopanda se présente sous la bannière du Parti nul. Ne vous méprenez pas, il s'agit d'un parti sérieux, et ce qu'il offre est d'une pertinence certaine dans notre système électoral.

Voter pour le Parti nul, ça veut dire : aucune des autres options ne me convient et j'aimerais inscrire ma dissidence.

Et c'est un vote qui compte vraiment, ce qui le distingue d'autre pratiques telles que l'annulation du vote ou l'abstention de voter. Cela signifie que seuls les votes valides pour un candidat inscrit sont comptabilisés dans la catégorie des votes exprimés. Ce ne sont que ces votes qui font le résultat de l'élection.

L'abstention et l'annulation.

On peut s'abstenir, rester chez soi et ne pas voter. On obtient ainsi une statistique sur l'intérêt ou le désintérêt de la population par rapport à l'élection, mais ça n'y change absolument rien. S'abstenir de voter, même si on pose ainsi un geste de protestation en toute connaissance de cause, c'est aussi s'inscrire volontairement dans le groupe brumeux de la majorité silencieuse. Un groupe fréquemment instrumentalisé par divers personnages politiques.

On peut annuler son vote en cochant plusieurs cases ou en décorant le bulletin de vote de quelque façon que ce soit, par exemple. Ce vote sera placé dans la pile des bulletins rejetés et ne comptera pas parmi les votes exprimés. Pire, l'annulation du vote contribue en quelque sorte à valider le résultat de l'élection. En effet, les bulletins rejetés font partie du calcul du taux de participation, qui, lorsqu'il est élevé, peut servir au candidat élu comme argument en faveur de sa légitimité.

On peut, finalement, ne voter pour personne et mettre dans la boîte un bulletin vierge. Dans notre système, c'est la même chose qu'annuler son vote. Dans quelques autres juridictions européennes et sud-américaines, le vote blanc possède une certaine influence.

Mise en situation

Supposons que le parti A récolte 20 votes, le parti B récolte 15 votes et le parti C récolte aussi 15 votes. On compte 50 abstention et 50 annulations (je sais, c'est exagéré, lisez la suite). Le parti A remporte la victoire avec 40% des votes exprimés et un taux de participation de 67%. Les partis B et C vont ensuite dire que A n'a eu que 13% du vote des électeurs, mais cet argument, qu'on entend trop souvent, est erroné : 100% des électeurs ont eu la possibilité de s'exprimer, et notre système actuel ne compte que ceux et celles qui ont choisi de le faire.

On peut vouloir changer ce système pour que soient reconnus le vote annulé ou le vote blanc, et j'en suis. Dans cet exemple, les trois candidats étaient peut-être de simples poteaux incompétents. Ça expliquerait pourquoi 50 des 150 électeurs ont annulé leur vote. Si on avait considéré les votes annulés comme autant de voix contre l'ensemble des candidats, personne n'aurait été élu et on aurait dû refaire l'élection. Avec de nouveaux candidats, idéalement.

C'est là où le Parti nul prend toute son importance. L'ajout d'une chaise (ou d'un panda) comme candidat permet d'éviter des bêtises quand tous les autres partis présentent des poufs (ou des blaireaux).

Votez pour qui vous voulez

Tout ceci dit, idéalement, vous ne voterez pas pour le Parti nul. Si un candidat et un parti conviennent à vos valeurs, votez pour ce candidat et pour ce parti. C'est aussi simple que ça, et c'est la motivation qui devrait tous nous guider au moment de faire un choix. Par contre, si aucun candidat ne vous convient, et si les valeurs d'aucun parti ne correspondent aux vôtres, de grâce, allez voter quand même : le Parti nul vous permet de vous prononcer.

Pour finir, certaines personnes proches de certains partis ont commenté la mise en candidature d'Anarchopanda en affirmant qu'elle «divise le vote». Diviser le vote, ce n'est mal que du point de vue d'un parti politique qui croit qu'une partie de la population lui est due, lui appartient. La diversité des points de vue est nécessaire dans le débat public, et aussi imparfait que soit notre système électoral, reprocher à quelqu'un de s'y lancer n'a jamais sa place.

Ça vaut pour PKP, ça vaut pour Anarchopanda.

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