2 octobre 2011

Couvrir un couvreur d'asphalte

Couvreur couvrant un toit. (photo : FCA)
En fin d'après-midi, rue Pontiac, juste au nord de l'avenue du Mont-Royal, un couvreur est à l'œuvre, en train d'asphalter la toiture d'une maison. Afin de permettre la circulation des voitures sur cette rue étroite qui s'étend de Mont-Royal à Gilford entre Berri et Resther, les camions du couvreur occupent les trottoirs, de part et d'autre de la rue. Ils n'ont visiblement pas le choix, alors je marche sur la chaussée sans trop m'en préoccuper.

C'est alors que de la boîte d'un pickup portant le logo de l'entreprise descend un homme assez corpulent qui s'avance vers moi. ¤


«Pourquoi tu marches dans la rue? me lance-t-il.

–Parce que vos camions bloquent le trottoir, lui réponds-je, sans la moindre trace de reproche.
–Ben là! On n'a pas le choix, faut bien laisser les autos passer! réplique-t-il, subitement sur la défensive.
–Je sais. C'est pourquoi je marche dans la rue.
–Si tu le sais, viens pas te plaindre qu'on bloque les trottoirs!
–... Je ne me suis pas plaint, j'ai simplement répondu à la question : si je marche dans la rue, c'est parce que vos camions bloquent le trottoir.
–Je viens de te le dire, qu'on n'a pas le choix!»

Une pause, le temps de décider si je l'envoie promener ou si je continue à essayer de lui expliquer que je n'en ai rien à foutre qu'ils bloquent le trottoir. Juste pour m'amuser un peu, je continue.


«J'ai compris que vous n'avez pas le choix. C'est pour ça que je marche dans la rue. Y a pas de problème!

–Ben alors pourquoi tu te plains?
–Quand est-ce que je me suis plaint?
–Tu me niaises-tu? Je t'ai demandé pourquoi tu marchais dans la rue, pis tu t'es plaint qu'on bloquait le trottoir!
–J'ai juste dit... Hum. Tu devais bien te douter de la raison pour laquelle je marchais dans la rue, non?
–Évidemment, c'est parce qu'on n'a pas le choix de bloquer le trottoir pour laisser passer les autos...
–Alors pourquoi tu me poses la question si tu le savais?
–... Tu veux vraiment rien comprendre, hein... La rue est pas assez large pour qu'on stationne les camions côte à côte.»

Une longue pause. Lui, l'air d'expliquer à un enfant attardé pourquoi il ne faut pas essayer de manger sa fourchette après avoir fini son gâteau, et moi, l'air de quelqu'un qui se demande tout à coup s'il ne vient pas d'être téléporté dans une création de Samuel Beckett. Finalement...


«Ok... Vous n'avez pas le choix de bloquer le trottoir parce que la rue n'est pas assez large, alors je marche dans la rue. Il n'y a aucun problème avec ça, et ça ne me dérange pas du tout. Est-ce qu'on peut s'entendre là-dessus?

–Bon, enfin! qu'il me dit, comme si je venais de redécouvrir la roue. Salut, là!»

Je respire un bon coup et je poursuis mon chemin, décidé à oublier cet énergumène. Je n'ai pas fait trois pas quand il élimine toute possibilité qu'il sorte un jour de ma mémoire en se disant à mi-voix : «C'était pas compliqué, m'semble...»


Note : C'est une histoire vraie. Tout ce qui suit le symbole ¤ s'est toutefois déroulé dans mon imagination dans les secondes qui suivirent cette rencontre. Désolé...

4 commentaires:

Guillaume Lajeunesse a dit...

J'aime en littérature les interactions et les dialogues absurdes puisqu'en dépit de leur apparent caractère fantaisiste, celles-là et ceux-là ont une racine bien réelle.

Alexandre a dit...

Tout à fait! Quand j'ai croisé ce monsieur, j'ai vraiment pris mon souffle comme pour répondre à sa question... qui n'est jamais venue.

Encore devrais-je me demander pourquoi j'ai pensé qu'il me demanderait pourquoi je marchais dans la rue, puisque la raison était manifeste...

Guillaume Lajeunesse a dit...

Hahaha! Pas grave, c'était horriblement réaliste. Je peux concevoir qu'une telle chose se produise.

perroncouvreurs a dit...

Un grand merci pour les efforts qui vous ont permis d'écrire cet article. Bien le bonjour de Montréal!
Réparation toit

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