22 août 2016

Devant chez moi... (reprise)

Johnny regarde les placottoirs.
La présence de non pas un, mais deux placottoirs directement devant et à côté de chez moi gonflent le dynamisme de ce tronçon de la rue Duluth. Voilà peut-être ce qu'il me fallait pour reprendre cette rubrique, deux déménagements plus tard. Ce petit bout de rue, outre ses deux placottoirs, abrite aussi ses curieux personnages, ses touristes, ses multitudes d'enfants venus en grande partie des logements subventionnés des gigantesques Habitations De Mentana, ses livreurs de pizza qui partent et qui reviennent et qui repartent sans cesse, son Léo le glacier qui reste ouvert aussi tard que le veulent bien ses clients quand il fait chaud...

Nouvelle adresse, nouveau territoire, même point de départ : comme la toute première rubrique Devant chez moi, ça commence par un incendie.

Je rentre d'une courte sortie, il est autour de minuit, j'arrive de l'est sur Duluth. J'arrive à pied, évidemment, parce que Duluth est un sens unique dans l'autre direction. Bref, en approchant de la ruelle du café Gonzo, une odeur de feu de joie me parvient doucement. L'instant suivant, je constate justement un groupe de quatre jeunes gens, qui peuvent avoir de la quinzaine à la mi-vingtaine, semblant occupés à entretenir un brasier qui flambe joyeusement sur le placottoir — en bois — du café. Je ne leur jette qu'un coup d’œil, et c'est assez pour que l'un d'eux murmure à ses comparses : « j'pense qu'il va appeler la police... ». Tu penses? Je n'ai pas été témoin direct de l'intervention, mais les gyrophares ont illuminé mon bureau, le temps d'une quinzaine de minutes.

Le lendemain, je trouve le mec du Gonzo dehors à se demander pourquoi il y a du plastique fondu incrusté dans le bois de son placottoir. Au-delà du geste de vandalisme, assez difficile à comprendre en lui-même, il me semble que s'en prendre au mobilier urbain de son propre quartier, c'est aussi idiot que de vider la litière du chat par la fenêtre. Parce que ce n'est pas à l'intérieur des murs du logis, il y aurait peut-être une impression de distance par rapport à un placottoir brûlé, un banc de parc brisé ou des restants de litière qui s'accumulent au pied du mur? Mine de rien, ça continue de faire partie de son environnement immédiat, alors on se nuit soi-même. Les gens...

Ricardo semble être dans une bonne période. Il est presque coiffé et semble s'être rasé il y a moins d'une semaine. Son t-shirt ne semble pas avoir plus de deux ou trois jours de saleté accumulée. Je le vois passer seul, en discussion animée avec un ami imaginaire. Quelques instants plus tard, je l'entends revenir, parlant toujours avec entrain. Cette fois, je constate toutefois que son véritable ami, un petit roux barbu que je n'avais pas vu depuis des mois, l'écoute avec attention. Je m'imagine que l'ami devait être prisonnier quelque part et que Ricardo vient à l'instant d'aller le secourir.

C'est ainsi que surgit une rare envie de raconter quelque chose, désormais au coin de Duluth et de St-André.

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