29 septembre 2009

Ça me tanne, un tiroir vide

Ça me tanne, un tiroir vide.

Me tanne bien plus de savoir que peu de gens comprendront cette phrase dans le sens qu'elle devrait avoir, soit celui de ce que je ressentais lorsqu'elle m'est apparue en tête spontanément, comme un sanglot qui surgit bruyamment de notre inconscient, sans prévenir.

Tout est pourtant en place pour que le message passe. L'émetteur (moi) et le récepteur (hypothétique) utilisent le même code (la langue française). Le canal utilisé (l'écriture) ne pose pas de problème, puisque le récepteur n'en serait pas un s'il ne savait pas lire. Ce n'est pas le concept de communication que je voulais aborder, de toute façon. Quoique c'est bien le récepteur le problème.

La plupart du temps, et surtout à l'écrit, je tâche d'employer les mots adéquats pour décrire ce que je cherche à exprimer. Par exemple, quand je parle d'un tiroir, à quoi peut-on bien s'attendre à ce que je fasse référence? Une petite armoire, une tablette, une étagère, un pupitre, un classeur, etc? Peut-être est-ce d'un de ces objets que je parle, en les qualifiant de tiroir, pour faire général.

Avec un peu de fantaisie, on pourrait s'en tenir à supposer qu'il s'agisse d'un tiroir. Que l'on tire pour l'ouvrir et que l'on pousse pour le refermer, dans un mouvement horizontal. Dans le sens d'un tiroir. Voir figure A.

Ce tiroir, dont il serait question, ne contiendrait pas : un trombone ou un clou ou une fourchette, une souris, un bas, trois sous, mon stylo noir, ni même l'oeuvre complète des Joe Malone. Car comme je l'ai mentionné, il serait vide.

C'est ici que ça se complique. Souvent, des gens auront tendance à extrapoler. Voire à supposer que je n'aime pas particulièrement les éléments du mobilier ne contenant que très peu de choses. Dans la mesure où bien des gens cultivent une rigoureuse habitude d'être imprécis dans leurs propos, on ne devrait pas se surprendre que ces mêmes personnes effectuent le décodage inverse lorsqu'elles reçoivent un message.

Je suis d'avis que voilà une bien belle perte de temps et d'énergie. Si je m'en tiens à prétendre que ça me tanne, un tiroir vide, on devrait comprendre que ça me tanne, un tiroir vide. Si j'ajoutais : «...ou presque vide», ou encore : «...comme toute autre sorte de partie de meuble contenant parfois des choses», alors on comprendrait que le sens de mon affirmation initiale était insuffisant, bien que presque exact, et ce serait alors beaucoup plus clair. On n'aurait pas besoin de se creuser la tête à deviner, puisque j'aurais précisé le propos en le rendant plus vague, paradoxalement.

Certes, une situation donnée peut créer un climat favorable à l'extrapolation, et c'est très bien aussi. C'est même enrichissant. On pourrait croire que «ça me tanne, un tiroir vide» signifie que «ça m'ennuie, quelqu'un qui parle pour ne rien dire». Cette petite phrase, placée au bon endroit, pourrait effectivement avoir cette signification.

Par contre, lorsqu'elle trône seule, hors contexte, il n'y a aucune raison pour ne pas comprendre que ça me tanne, un tiroir vide, et c'est tout ce qu'il faut y comprendre. En passant moins de temps à analyser ce que disent les gens, on en passe davantage à discuter, et on incite ceux qui nous entourent à utiliser un vocabulaire exact et précis. Tout le monde en sort gagnant.

Quant à savoir pourquoi ça me tanne, un tiroir vide... Je ne saurais dire. Ce soir, lorsque j'ai remarqué qu'un de mes tiroirs était vide, j'y ai rapidement déposé le premier objet qui m'est tombé sous la main, soit un pantalon noir.

Un (1) pantalon (pièce de vêtement recouvrant les jambes individuellement et s'attachant à la taille) noir (couleur des objets qui n'émettent ni ne reflètent aucune part du spectre de lumière visible).

Bon, il était un peu délavé (précision)...

2 commentaires:

Ben a dit...

C'est de l'acharnement thérapeutique sur un sujet épuisé d'avance, ce texte.

Pauvre tiroir.

Mais du point de vue littéraire, c'est du génie.

Alexandre a dit...

Merci pour la troisième phrase.

Quant à la première, je sais que ce combat est perdu d'avance.

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